Le Manuel du Skate Local
Messages de vieux cons pour jeunots prétentieux
Avec un titre pareil, comment ne pas captiver l’attention de notre jeune auditoire ? Si nous prenons le risque de vous écrire ces quelques mots, c’est que nous sommes de plus en plus troublés par un constat alarmant : la génération actuelle de jeunes skaters (15-25 ans) semble avoir quelque peu perdu le sens des règles cosmiques qui régissent nos belles communautés de planchistes. On pourra nous taxer de conservatisme, mais face à la recrudescence de certains comportements bizarres voir carrément choquants, on a décidé de remettre certains principes en place pour assurer le bon respect de la scène skate LOCALE.
Car oui, le skate, sans le local, devient vide de sens ! N’en déplaise à ceux pour qui tout ça semble totalement futile, nous autres vieux cons pensons qu’il est important de rappeler la base de la base, afin que tout le monde comprenne bien que, sans une scène skate vivace et estimée, bah il ne se passerait pas grand chose pour agiter nos planches à roulettes !
Oui, une scène skate locale vivante, ça passe par le soutien d’un vrai shop core !
Et par « core » on entend qui se bouge les fesses pour promouvoir la scène locale tout en proposant des produits qui valorisent le vrai skate. Prenez l’exemple de Balargue Skateshop à Issy les Moulineaux : croyez-vous que la scène skate du sud-ouest parisien serait aussi vivace sans ce shop ? Les mecs ont pris tous les motivé.es sous leur aile et proposent des événements et des vidéos bonne ambiance, au point où le shop a tout bonnement été plébiscité meilleure boutique de la ville, selon un sondage réalisé par Jackspots en mars 2019. Alors certes, ça pourrait vous en toucher une sans faire bouger l’autre, mais pour les p’tits gars et meufs du coin, la présence du shop est une grosse source de motiv’ quotidienne, pour sûr.
A l’inverse, il y a Toulouse : l’un des shops les plus emblématiques du sud-ouest, Official Skateshop, a tiré sa révérence fin mars 2019, dans l’indifférence la plus totale (au niveau local). En effet, cela faisait déjà une paire d’années que Mat, son gérant, avait perdu progressivement le modjo, face à des skaters locaux plus vraiment concernés par le soutien d’un vrai shop core. Après plus de 10 ans passés à pousser les étoiles montantes, distribuer du matos aux kids, organiser des jams et faire venir des photographes pour mettre la ville rÔse sur la carte, le manque de soutien flagrant des jeunes skaters a fini par avoir raison de son amour inconditionnel pour la scène locale. Résultat des courses ? Toulouse, la 4e ville de France, se retrouve sans vrai shop et sans vraie scène, n’en déplaise à la boutique OKLA qui ne prend pas les choses en main. Alors si vous voulez continuer à participer à des événements locaux ou simplement avoir un endroit où retrouver vos potes avant/après la session, continuez à acheter votre matos au shop sans rechigner parce que c’est 5€ plus cher que sur le net !
Oui, un skatepark associatif et couvert, ça nécessite une petite contribution financière !
Ça peut paraître dingue pour les plus pinces, mais oui, il est important de payer une contribution financière pour skater dans un park couvert. Surtout s’il est tenu par une association locale qui se saigne des quatre veines pour l’entretenir et le faire vivre ! Le bois/ béton, le métal, les outils, le chauffage, l’éclairage, le loyer, tout ça ne tombe pas du ciel. Ce n’est pas parce que le park semble bien propre que les mecs sont blindés ! Demandez leur, cela nécessite un investissement total en termes de temps et d’argent. Tout y passe, au grand dam du banquier ou du copain/copine. Et si vous croyez que tout ça est forcément subventionné par la mairie ou la région, idem, posez leur la question ! Vous risquez d’être surpris par la réponse : la plupart ne touche pas un rond, ou presque. Pire, les pouvoirs publics peuvent s’avérer une nuisance supplémentaire, cherchant par tous les moyens à faire fermer la structure car elle gainerait la tranquillité du voisinage.
Surtout, ayez la décence de ne pas dire « j’ai pas de fric », alors que vous arborez une paire de Nike SB toutes neuves, ou que vous venez de vous cramer un gros pécot à l’entrée du park… l’argent, on arrive à le trouver pour s’acheter des trucs, alors pourquoi on le trouverait pas pour soutenir une initiative locale qui enrichie la scène ? A méditer.
Oui, recevoir le soutien d’une marque locale, cela implique de se bouger pour elle !
Ce point ne touche pas tout le monde, mais on tenait à le rappeler tout de même. Une fois de plus, cela peut paraître aberrant, mais certains jeunots s’imaginent que recevoir le soutien d’une marque locale n’implique rien en retour. Pis, certains vont même jusqu’à penser qu’elles ne sont pas en droit de réclamer quoi que se soit ! Le fait de pouvoir utiliser leur patronyme devrait bien leur suffire… Un tel niveau d’arrogance paraît hallucinant, pourtant certains jeunes loups ont tendance à le penser. Or, ils oublient un principe fondamental : sans les marques locales, ces gars là n’existeraient pas ! Les marques n’ont aucun bénéfice réel à soutenir untel ou untel. Au contraire, c’est plutôt une sources d’ennuis qu’autre chose. Elles ne le font que parce qu’elles croient dans leur potentiel d’évolution. Les marques décident de soutenir les jeunes qui en veulent, elles les font grandir et leur permettent de participer à des projets photos/vidéos accroissant leur notoriété. Sauf qu’elles pourraient aussi bien ne rien faire et se contenter de vendre leurs produits…
Imaginez un instant une nouvelle marque de board super swaaag qui débarque à grand coup de promos et de graphiques ultras chiadés, avec pléthore de noms obscures inscrits dessous. Et bien il est fort à parier que peu de monde s’inquiéterait de savoir qui sont ces gars et s’ils existent vraiment… « THE FAKE BRAND » comme disait l’autre. Les marques peuvent se passer des riders, pas l’inverse. Alors si vous avez la chance d’être soutenu.e par quelqu’un qui croit en vous, représentez-le et parlez-en autour de vous. Faites votre boulot, bordel !
Oui, skater en park c’est bien, mais rider dans la rue c’est mieux !
Évitons ici de se contredire avec le paragraphe ci-dessus : oui, il est important de skater dans un park. Première raison ? Cela permet de progresser rapidement et de se faire des potes facilement. Deuxième raison ? Pour peu que le park soit tenu par une association locale, vous soutiendrez l’initiative de gens ultra motivés. Pour autant, faut-il s’en contenter ? La réponse est non, bien évidemment ! Le skate est né dans la rue et c’est dans la rue qu’il doit retourner (de temps en temps).
Déjà, cela permet de trouver des spots différents que ce que vous avez au park. Le park ne change pas ou peu, tandis que la rue est grande et se renouvelle continuellement. Suffit de pousser un peu plus loin pour s’en rendre compte. Ensuite, la street life fait gagner en maturité ! Devoir gérer le sol pourri, les clodos bourrés, les caïeras relous et les grands mères nerveuses, ça peut paraître mille fois plus contraignants que de rester pépère au park du coin. Sauf que surmonter ces obstacles, avec les copains/copines à vos côtés, cela procure une satisfaction unique ! Vous en sortirez grandi, aucun doute là dessus. Même si ça fout parfois la honte de se vautrer en public au milieu d’une rue cradingue, c’est toujours mieux que de se faufiler dans un skatepark infesté de trottinettes de la mort…
Oui, être un vieux briscard implique une certaine responsabilité vis-à-vis de la jeune génération !
On ne pouvait pas conclure cet article sans parler du rôle des anciens dans toute cette affaire. Car critiquer c’est bien, mais participer au changement des mentalités, c’est mieux ! Tout cela part d’un constat simple : les jeunes skaters puisent leur inspiration là où ils la trouvent, à savoir le web, mais aussi les vieux de la vieille qui skatent autour d’eux.
On ne le martèlera jamais assez, c’est aussi la responsabilité des anciens de montrer la voie aux plus jeunes, en respectant les principes énoncés ci-dessus, même si le street ça fait mal et que la mini du park est bien plus clémente avec les genoux abîmés. Parler des choses avec les jeunes, leur expliquer comment ça marche et pourquoi tout ça est important, c’est le rôle de tout papy skater qui se respecte. Un peu comme lorsque vous gueulez sur la trottinettes qui vous a snaké une line au skatepark !
Alors on résume : quelque soit son âge, on arrête de râler, et on va acheter son matos au skateshop du coin, on paye son entrée au park local, on soutient les marques qui croient en nous, et on va skater cette putain de rue comme si c’était la dernière fois !!! GO GET SOME, comme disait Jake Phelps ! RIP.
Rédacteur en chef